dimanche 29 juillet 2012

Il faut interdire l'interdit !





- Texte paru sur Tunivisions Magazine N° Juillet 2012 -


C’est l’histoire de Monsieur X, un homme qui milite pour les droits du port du Niqab et du port de la mini-jupe, dans les rues de Tunis.
Il respecte non seulement l’Etat Islamique que veulent instaurer certains de ses amis barbus, mais aussi l’Etat d’Ebriété dans lequel vit l’autre moitié de ses amis imberbes, sans jamais tomber dans l’amalgame entre pensées barbues et pensées barbantes.
Non ! Ce n’est pas un schizophrène, c’est plutôt ce qu’on appelle un « libertaire » par excellence :Il fait confiance en l’homme, et le juge assez mature pour faire  ses propres choix sans laisser personne d’autre interférer dans ce processus décisionnel.

Sur son omoplate droit il s’est fait tatouer cette célèbre phrase - « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » - que beaucoup, dans l’erreur, attribuent à Voltaire.

Quand ces camarades visent les grandes écoles et des salaires encore plus grands, Monsieur X, lui rêve de liberté.Et son pire cauchemar c’est« l’interdit » !
La seule chose qu’il faut interdire selon Monsieur X, c’est « l’interdit » lui même !
«Il est interdit d’interdire » rabâche-t-il à tous les adeptes de la « pensée unique», car en Tunisie, la tolérance est comme Dieu, tout le monde en parle, mais personne ne la voit jamais !

Mais qui définit l’interdit ?

Monsieur X considère que les principes, les valeurs, les coutumes et tutti quanti sont comme un grand arbre auquel la société attache l’Homme, avec une laisse, par le cou :L’homme est ainsi condamné à vivre dans le périmètre définit par la longueur de sa laisse, sans jamais découvrir les autres éléments de la vaste forêt qu’il habite, de peur de transgresser ses traditions ou ses coutumes.

Selon Monsieur X, la quête de chaque homme devrait consister à étendre le plus possible cette laisse, quitte à la briser, afin d’élargir le périmètre dans lequel il vit, et ainsi découvrir ce qui se cache loin de son arbre. Mais l’Homme est obstiné : il ne veut ni briser sa laisse, ni laisser les autres hommes le faire.

Dépourvu de coutumes et de valeurs, Monsieur X estime avoir brisé sa laisse, et se permet de gambader librement dans la forêt de la vie. Habités à la fois, de mépris et d’envie, les autres hommes, attachés à leurs arbres, regardent avec impuissance le spectacle que leur offre Monsieur X.

Mais Monsieur X appréhende une seule chose : qu’on lui remette la laisse au cou.
Car au moment ou vous lisez ces quelques lignes, les nouvelles laisses du peuple tunisien sont en train d’être tissées : Les députés de l’Assemblée constitutionnelle sont en train de définir l’interdit et de le mettre noir sur blanc. 


vendredi 6 juillet 2012

Melting-Pot ou Rideau de Fer ?



- Billet paru dans Tunivisions Magazine n° Juillet 2012 -

Quand on parle de melting-pot et de richesse culturelle, de savoir-vivre et de savoir vivre ensemble, on prend souvent exemple sur les Etats-Unis d’Amérique, ces créateurs de vagues culturelles sur lesquelles surfent les jeunes du monde entier. De l’High-Tech à la mode, en passant par la nourriture et les Arts, tout ce qui est contemporain, ou presque, puise son origine du pays des enfants de Christophe Colombes.

Si le monde était une maison, les Etats-Unis seraient la chambre d’enfants : là où se font bercer des idées en bas âge, là où grandissent les concepts les plus originaux, là où apprennent à marcher les pensées les plus inattendues.
Il faudra patienter quelques années, avant de les voir visiter le reste de la maison.

Autrefois, tous les chemins menaient à Rome, aujourd’hui c’est à Washington qu’ils mènent ! Car la richesse culturelle est l’engrais idéal pour faire fleurir les idées encore à l’état de graines qui, une fois fleuries, couvriront le monde entier de leurs pétales. 

Un pays où se côtoient les « races » (si ce mot à encore un sens) du monde entier. Européens, Asiatiques, Arabes, Africains, Latinos, cohabitent sans tensions « apparentes », créant de la richesse pour le pays qui les rassemble. : C’est cela la richesse culturelle, fruit du savoir vivre ensemble !

Une question se pose maintenant : Comment aux Etats-Unis, des gens d’origines et de races différentes font ils pour coexister depuis quelques décennies sans se faire du mal, alors qu’en Tunisie, des gens de même nationalité, de même origine, de même tradition, ne ratent pas une occasion pour s’insulter, se discriminer l’un l’autre ?

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un phénomène moins noble semble se cacher derrière la carte postale de la richesse culturelle qu’affichent fièrement les Etats Unis : Le communautarisme.

Si toutes ces cultures semblent coexister aux Etats-Unis, ce qu’il faut savoir c’est qu’elles ne se côtoient que superficiellement, au centre ville, ou bien sur les lieux de travail. Pour le reste, chaque « race », ou chaque nationalité se réserve son propre quartier. Pour le cas de Manhattan par exemple, un des cinq arrondissements de  New York :
Le quartier de ChinaTown est réservé aux Chinois, celui de Little Italy aux Italiens, Lower East Side aux Hispaniques, Harlem aux noirs, Upper East Side aux juifs, Little Odessa aux Ukrainiens et cetera  pour les quatre autres arrondissements de New York.

Dans ce genre de quartier, les inscriptions sur les magasins se font dans la langue de la nationalité qu’il abrite. Les tenues vestimentaires, les restaurants, la religion et tout le reste, existent en se pliant aux règles et aux coutumes du pays d’origine. Une sorte d’endroit où les plus conservateurs ne se sentent pas dépaysés ! 

En Tunisie, nous sommes loin de la richesse culturelle américaine. Les Tunisiens puisent certes leurs origines et leurs traditions dans les différentes cultures qui ont imbibé le territoire tunisien, cependant, le peuple reste hétérogène… Enfin, c’est ce que les sociologues ont cru comprendre jusqu’à la révolution du 14 janvier. 

Plusieurs mois après la révolution, nous pouvons clairement constater que la Tunisie s’est scindée en deux, d’un coté les plus conservateurs, de l’autre les plus réformateurs. Ces deux parties semblent être engagés dans une lutte des mentalités, qui finit souvent en bain de sang quand les plus extrémistes des deux camps s’affrontent.

Pour éviter ces affrontements directs et  vivre ensemble sans heurts violents,  sommes nous condamnés à calquer le système communautariste américain,
où les quartiers de Tunis seront divisés en fonction des conservateurs et des réformateurs ?
On reconnaitra un quartier de conservateurs, aux grands nombres de mosquées qu’il abrite, à la barbe des hommes et à la rareté des femmes dans les rues.
Un quartier de réformateurs, quant à lui, sera reconnu par le nombre de bars, des jambes de femmes découvertes par la mini-jupe qu’elles arborent fièrement devant le regard de l’homme dépourvu de vertu religieuse.

La Tunisie sera-t-elle amenée dans un futur lointain, à l’instar de l’Allemagne, à être divisée en deux pour la sécurité de tous les Tunisiens : La République Fédérale Tunisienne, et la République Islamique de Tunisie ?
Est ce le seul moyen pour que ces deux idéologies totalement aux antipodes, qui s’affrontent mais ne se côtoient jamais, puissent vivre en Paix ?

Il suffiraient, a posteriori, d’analyser le flux de migration des deux Républiques­­­­­ pour pouvoir comprendre quelle partie de la Tunisie est la plus heureuse…