- Texte paru sur Tunivisions Magazine N° Juillet 2012 -
C’est l’histoire de Monsieur X, un homme qui milite pour les droits du port du Niqab et du port de la mini-jupe, dans les rues de Tunis.
Il respecte non seulement l’Etat Islamique que veulent instaurer certains de ses amis barbus, mais aussi l’Etat d’Ebriété dans lequel vit l’autre moitié de ses amis imberbes, sans jamais tomber dans l’amalgame entre pensées barbues et pensées barbantes.
Non ! Ce n’est pas un schizophrène, c’est plutôt ce qu’on appelle un « libertaire » par excellence :Il fait confiance en l’homme, et le juge assez mature pour faire ses propres choix sans laisser personne d’autre interférer dans ce processus décisionnel.
Sur son omoplate droit il s’est fait tatouer cette célèbre phrase - « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » - que beaucoup, dans l’erreur, attribuent à Voltaire.
Quand ces camarades visent les grandes écoles et des salaires encore plus grands, Monsieur X, lui rêve de liberté.Et son pire cauchemar c’est« l’interdit » !
La seule chose qu’il faut interdire selon Monsieur X, c’est « l’interdit » lui même !
«Il est interdit d’interdire » rabâche-t-il à tous les adeptes de la « pensée unique», car en Tunisie, la tolérance est comme Dieu, tout le monde en parle, mais personne ne la voit jamais !
Mais qui définit l’interdit ?
Monsieur X considère que les principes, les valeurs, les coutumes et tutti quanti sont comme un grand arbre auquel la société attache l’Homme, avec une laisse, par le cou :L’homme est ainsi condamné à vivre dans le périmètre définit par la longueur de sa laisse, sans jamais découvrir les autres éléments de la vaste forêt qu’il habite, de peur de transgresser ses traditions ou ses coutumes.
Selon Monsieur X, la quête de chaque homme devrait consister à étendre le plus possible cette laisse, quitte à la briser, afin d’élargir le périmètre dans lequel il vit, et ainsi découvrir ce qui se cache loin de son arbre. Mais l’Homme est obstiné : il ne veut ni briser sa laisse, ni laisser les autres hommes le faire.
Dépourvu de coutumes et de valeurs, Monsieur X estime avoir brisé sa laisse, et se permet de gambader librement dans la forêt de la vie. Habités à la fois, de mépris et d’envie, les autres hommes, attachés à leurs arbres, regardent avec impuissance le spectacle que leur offre Monsieur X.
Mais Monsieur X appréhende une seule chose : qu’on lui remette la laisse au cou.
Car au moment ou vous lisez ces quelques lignes, les nouvelles laisses du peuple tunisien sont en train d’être tissées : Les députés de l’Assemblée constitutionnelle sont en train de définir l’interdit et de le mettre noir sur blanc.